Christian Constant, le goût du chocolat





S – Avec toute cette expérience, ce déclic, il est venu à quel moment ce déclic ? Et pourquoi aller chercher

C – Alors au niveau du goût c’est arrivé comme ça. Moi ça m’a conduit également à avoir un goût du chocolat pur. Moi j’aime pas beaucoup la confiserie. Moi le vin, j’aime le bon vin mais le kir pour moi c’est une fantaisie. Bon, à la limite si vous voulez moi dans ma cave, j’ai 90% de ganache – parce que de la ganache c’est quand même le produit qui respecte le goût du chocolat. Donc vous pouvez avoir des ganaches qui ont des goûts différents simplement parce que vous avez des chocolats de base qui déjà ont un goût différent et puis ensuite je me suis rendu compte aussi qu’il y avait quelques fois des notes dans ces chocolats purs qui étaient assez spécifiques. Bon par exemple, si on prend le national, le goût Arriba donc en Équateur on a des petites notes de jacinthe d’eau notamment, ou de jasmin qui arrive en arrière-plan. Et donc je me suis dit mais – bon ça m’a paru, ça m’est arrivé au Sanbirano – j’ai dit mais pourquoi pas, quand on fait des ganaches, rajouter un tout petit peu de ce parfum spécifique et j’ai commencé à travailler avec des huiles essentielles ; alors avec des huiles essentielles ça permet tout en respectant donc le goût d’un chocolat de faire une ganache mais de rehausser très légèrement une particularité. Mais il fallait que ce soit très très très dosé, c’est-à-dire qu’elle ne pouvait arriver qu’en second plan, c’est-à-dire en rétro olfaction. Il fallait pas qu’on soit envahi, qu’on en prenne plein le nez et qu’on ait plus le goût du chocolat. Donc l’idée a toujours été celle-là, voilà. Moi ça c’est ma gamme. Ça veut dire que – bon déjà je fais des pralinés, mais je fais des vrais pralinés. Je ne ferai jamais des pralinés avec de la crêpe dentelle. Non mais attendez, on voit ça partout maintenant ! C’est la grande vogue ça ! Je vois même le club des croqueurs de chocolat qui va attribuer des Awards à des gens qui font des faux pralinés. Donc des pralinés avec de la crêpe dentelle. Moi je trouve ça heuu, bon.

S – En parlant justement des Awards, vous faites partie de plusieurs associations

C – Oui.

S – de plusieurs clubs. Quels sont les clubs qui vous paraissent les plus importants ? C’est peut-être un peu fort quand je dis ça, mais

C – Moi je pense que le club des croqueurs était un club très bien, moi j’étais un des premiers membres d’ailleurs, quand il a été fondé donc dans un restaurant qui n’existe plus aujourd’hui, qui s’appelait Le lord gourmand et à cette époque-là Claude Lebey qui était le président, était quelqu’un qui vraiment aimait le chocolat de la manière que je viens de décrire. Malheureusement, Claude Lebey a pris sa retraite, il a été remplacé par Jacques Pessis qui est aussi quelqu’un que j’aime bien mais malheureusement tous les tests, tous ces trucs-là ne sont pas faits par lui. C’est fait par un petit groupe de gens qui prétendent d’avoir la science et qui malheureusement dérivent un peu. Vous avez pu remarqué par exemple que dans le, il y a au moins dix ou quinze ans on détestait les colorants, on en mettait jamais dans quoi que ce soit. On faisait de la grenadine qui était colorée avec du jus de betterave, on faisait des tas de trucs comme ça. Aujourd’hui le colorant c’est devenu la règle. Si vous allez dans une grande pâtisserie, je ne vais nommer personne mais vous allez trouver des éclairs qui ont toutes les couleurs de la Terre. Plus il y a de colorants – les macarons j’en parle même pas, le macaron aujourd’hui est une source extraordinaire de peinture. Voilà, alors les temps ont beaucoup changé et il y a toujours une espèce d’évolution, et ce qu’on a détesté un jour, quelques fois revient à la mode et devient quelque chose qu’on aime.

S – D’accord.

C – Moi je pense que la, bon ces clubs sont intéressants dans la mesure où ils permettent aux gens de se rencontrer et puis également de découvrir que le chocolat c’est un produit culturel. Autrefois, comme je vous l’ai dit en début de conversation, le chocolat c’était un goût de marque. Aujourd’hui les gens vous posent des questions. Moi je vois en magasin, on vend des tablettes qui viennent de différentes plantations, et les gens vous demandent, quelle est la composition, à quoi ça ressemble, qu’est-ce qu’on a en arrière-plan, quelle est la variété botanique. Les gens sont curieux, exactement comme ils sont curieux avec leur caviste quand ils vont acheter du vin. C’est la même chose et les gens aujourd’hui ont la même démarche, donc il faut que les vendeuses soient des gens qui soient à la fois qualifiés mais bien informés, bien briefés pour qu’ils puissent répondre à peu près. Quand ils savent pas ils ont un lexique, ils sortent le lexique, oui bon, voilà on le fait voir. C’est le truc.

S – Et vous votre rôle – je sais que vous êtes à l’Académie du chocolat, je crois de souvenir c’est quarante personnes ?

C – Exactement, on avait une réunion hier d’ailleurs, vous voyez c’est tout frais, j’en sors.

S – Voilà.

C – On n’est plus quarante, on n’est plus que trente-huit. Hier on a pas pu en élire deux autres parce qu’on avait pas le quorum.

S – D’accord. Et quel est votre rôle, quel rôle, enfin votre rôle

C – Alors l’Académie est une société savante de quarante membres, et qui est basée sur la diversité des connaissances ; c’est-à-dire qu’à l’Académie on a des historiens, on a des diététiciens – je pense par exemple au professeur Chapron, professeur Hervé Robert, je pense à tous ces gens-là qui ont des connaissances bien pointues et bien précises concernant le produit. On a des chercheurs du Cirad également.

S – D’accord, ok.

C – qui sont donc là aussi, bon on en a, du Cirad on doit en avoir trois, donc Sophie Azemard aussi qui est une, malheureusement elle est malade en ce moment. Qui est une grande spécialiste du goût, donc elle est capable de discerner, d’analyser donc les produits sur une très large gamme notamment. Qu’est-ce qu’il y a d’autre ? On a également, on a des chocolatiers. Il y a quelques MOF qui sont là, qu’on est content d’avoir parmi nous ; c’est pas forcément les plus actifs malheureusement mais en tout cas ce sont des gens qui ont leur place et qui font qu’on a un panel assez large et assez construit en tout cas de techniciens du chocolat. Voilà, voilà.

S – D’accord.

C – Alors on édite un dictionnaire. Ce dictionnaire d’ailleurs pose beaucoup de problèmes pour nous parce qu’à l’heure actuelle c’est un ouvrage très important. On vient de terminer la première grosse édition. Je dis édition, j’anticipe un peu parce que malheureusement on ne trouve pas d’éditeur. Il faut à peu près 80 000 euros pour faire un tirage et 80 000 euros, les éditeurs aujourd’hui se disent un bouquin qui va être vendu dans les 105/110 euros, ça fait un peu cher ; donc les éditeurs sont toujours un peu frileux là-dessus. Donc on a démarché un deuxième éditeur, parce qu’on fait une coédition, et voilà donc je profite de notre site, parce que je pense

S – Et bien pourquoi pas, avis aux éditeurs.

C – Et si vous même vous voulez mettre la main à la poche, on est tout à fait prêt à vous accueillir en tant que coéditeur du dictionnaire.

S – Christian, est-ce que vous avez un message à passer, à faire passer sur votre parcours ?

C – Plus vous êtes curieux, dans tous les domaines, plus vous vivrez heureux, je crois. Voilà, surtout quand vous achetez quelque chose, n’achetez pas en ignorant. Lisez les étiquettes, le plus possible, même si c’est écrit tout petit. Vous aurez de grandes surprises quelques fois. Voilà c’est tout ce que je peux dire aux consommateurs de chocolat.

S – En tout cas, merci Christian. Donc vous avez compris, lisez bien, soyez vraiment curieux. Et nous on se retrouve pour une autre vidéo. À une prochaine. En tout cas merci Christian.

C – Je vous en prie, et je répète, faites-vous plaisir.

S – Faites-vous plaisir.

C – C’est très important.

S – Très très important. À bientôt. Merci. Au revoir.


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