La Mission de la Chocolaterie de l'Opéra avec Olivier de Loisy





Sébastien – Qu’est-ce que toi tu verrais, c’est quoi ton but ultime dans les années futures ?

Olivier – Mon but ultime c’est de continuer à faire du chocolat. À mon âge il vaut mieux, ce serait déjà bien que ce soit ça ! Non, mon but ultime c’est, on a une certaine vision, une certaine idée.

Sébastien – Oui, c’est important d’avoir ta vision.

Olivier – On a une certaine idée de notre profession.
On est vraiment persuadés que les métiers de bouche de très haute qualité, les restaurateurs etc., ont une mission. C’est la mission de faire découvrir, parce que leurs clients l’acceptent de payer le prix, de faire découvrir des produits originaux. Des produits justement, qui ne sont pas de grande consommation. C’est le seul moyen à notre point de vue pour qu’ils survivent. Le jour où les tables de la grande restauration ce ne sera pas autre chose que de dire : « Mi vous savez j’utilise des marques courantes mais je fais mieux. » Je pense que la différence de prix n’incitera pas le consommateur à vivre cette expérience. Par contre, si le restaurateur, si le chocolatier amène à leurs clients une vraie émotion, une vraie différence, ce qui a été la base de la grande cuisine. La grande cuisine c’est avant tout une cuisine de découvreurs. Ce sont des gens qui cherchent de la différence, qui vont trouver des petits producteurs, qui vont trouver des produits différents, qui vont surprendre leurs clients. Mon vœu le plus cher c’est qu’on participe à cette évolution qui a – modestement mais c’est vraiment qu’une opinion – si elle ne se fait pas, je pense que la haute restauration a du souci à se faire.

Sébastien – Et c’est aussi pour ça que moi j’avais envie de t’interviewer parce qu’on voit bien sûr les chocolatiers en ligne de mire qui sont tous là mais c’est important d’avoir aussi ceux qui vont à la source du cacao et qui travaillent aussi avec ces chefs pour faire des produits sublimes.

Olivier – Tu es très tolérant !

Sébastien – Sublimés. En tout cas c’est l’objectif de sublimer le chocolat quand même.

Olivier – Oui et c’est un métier qui est un métier de coulisse. À partir du moment où un métier de bouche, pour justifier sa qualité, est obligé de citer une marque, c’est déjà la preuve qu’il n’a pas su maîtriser son achat. Un très bon chocolatier, un très bon traiteur, c’est sa fonction de sélectionner les bonnes choses. À partir du moment où il se base sur une marque c’est très inquiétant ; parce que ça veut dire que la marque a pris le pas sur son jugement. Et s’il a pris le pas sur son jugement ça veut dire que cette marque on va la retrouver partout et l’individualisme, la typicité, la personnalité du restaurateur est gommée. Donc on travaille effectivement dans l’ombre. On n’a pas à être connu vis-à-vis du public, au contraire il ne faut pas qu’on le soit. Nous on est des partenaires de coulisse, des métiers de bouche. On essaye ensemble, par leurs conseils, parce qu’on sait nous-mêmes on essaye de s’associer, d’associer nos connaissances. Toujours dans le même objectif c’est surprendre – agréablement on l’espère – le consommateur.

Sébastien – Et toi, j’imagine que tu adores le chocolat de toute façon.

Olivier – Un peu.

Sébastien - Je n’ai aucun doute. Comment toi tu définirais le chocolat en quelques mots ?

Olivier – Très sincèrement, c’est toujours le même problème. C’est que quand on est dans un métier, d’abord on n’est plus complètement objectif. On ne peut plus être complètement objectif et puis on a des comparaisons permanentes. Dans notre métier, matin midi et soir on compare. On arrive à des échelles de valeur qui ne sont pas forcément celles du commun des mortels. Si je devais faire une recommandation, modeste, pour quelqu’un qui veut, qui se dit : « Je voudrais savoir si je mange un bon chocolat. » Sous la forme de la tablette qui est la forme la plus simple. Premièrement à l’ouverture d’une tablette il ne faut pas que ça sente la vanille. Si ça sent la vanille, qui est en général de la vanilline, c’est un produit additionnel, ce n’est pas inclus dans le chocolat. C’est l’homme qui amène un arôme supplémentaire. Amener un arôme supplémentaire c’est cacher les autres, les bons et les mauvais. En général quand on met vraiment de l’arôme c’est plus pour cacher les mauvais. Donc, quand vous goûtez un chocolat tablette, sentez-le ! Ça ne doit pas sentir autre chose que le chocolat. C’est déjà la preuve d’une pureté. Ensuite, ne le prenez pas trop sucré, c’est évident. 70% de cacao est un bon équilibre. Ne rentrez pas dans la phobie marketing qui est de dire que 75 c’est meilleur que 70. Je ne vais pas être très délicat mais je pense que si c’est 75% d’un produit médiocre, mieux vaut encore 70.

Sébastien – Tout à fait. Parce que je pense que c’est un autre débat.

Olivier – Je ne vais pas rentrer là-dedans. Et puis la meilleure manière de juger – ce que nous faisons au quotidien et ce que nos clients font au quotidien pour savoir si le chocolat est bon – c’est la comparaison. Prenez différents types de chocolat, prenez différentes marques, différentes origines, visitez plusieurs artisans. Et votre opinion va naître naturellement.

Sébastien – Complètement.

Olivier – Parce que si je vous dis Pierre est meilleur que Paul, c’est subjectif, et je n’ai pas à le faire.

Sébastien – Un dernier mot sur le chocolat ou sur toi ou sur la chocolaterie de l’Opéra. Qu’est-ce que tu pourrais dire ?

Olivier – Mangez du chocolat.

Sébastien – Ça c’est bien ça ! Moi je vais rajouter « Partagez ! Partagez aussi le chocolat autour de vous. »

Olivier – Oui, c’est un des derniers produits naturels.

Sébastien – Tout à fait. Je te remercie Olivier pour ça.

Olivier – C’est facile. On se dit : « À très bientôt. »

Sébastien – À très bientôt.

Olivier – Premier voyage Guatemala, ensuite on va partir ailleurs.

Sébastien – Pourquoi pas ! Ça marche. Merci !



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