Le fond de la question : le chocolat peut-il être « cru » ?
Carrés de chocolat©
Le principe du raw food consiste à se nourrir au plus près du naturel, c'est-à-dire avec des aliments crus, bruts, très peu transformés ou cuits – avec une transformation ne dépassant pas 50°C. Et c’est là où le bât blesse car la fabrication du chocolat inclut en temps normal des phases de fermentation et de torréfaction. Or les chocolats dits « crus » revendiquent l’exclusion de la torréfaction, voire de la fermentation et de la torréfaction, ce qui est contradictoire car comme le souligne Michel Barel, expert international en cacao : « S'il n'y a pas de fermentation, le cacao est affreusement astringent et sans arôme. S'il n'y a pas de torréfaction la fabrication du chocolat est impossible. » Autrement dit, sans ces deux étapes, ce n’est pas du chocolat.
L’appellation « chocolat cru » est-elle usurpée ?
« D’une certaine manière, oui », selon Nico Regout, experte internationale en cacao et fondatrice du Cercle du Cacao, qui préconise la mention « torréfaction basse température ou douce », sachant notamment que « certains chocolatiers utilisant un marketing Raw torréfient quand même à 60°C ». De même selon André Stengel, co-fondateur de Vietcacao, « cacao cru » serait plus adapté et plus correct que « chocolat cru ». Par contre, si elle reconnaît la pertinence du terme « cacao cru », Laurence Alemano, propriétaire de ChocoLatitudes, trouve l’allégation « d’usurpation » un peu exagérée et cette polémique, plutôt dérisoire pour des produits qui selon elle, restent néanmoins « rares et différents des classiques ».
Le chocolat devant la loi
Cabosses sur un cacaoyer©
La définition légale du terme « chocolat » varie selon les pays et les continents. En Europe, la dénomination « chocolat » seule exige un minimum de 35% de matière sèche de cacao, dont une teneur minimale de 18% de beurre de cacao et plus de 14% de cacao dégraissé. Le chocolat européen se compose donc de cacao, de beurre de cacao et de sucre, et avec depuis 2002 la possibilité d’ajouter jusqu’à 5% de matière grasse végétale. En Australie et en Nouvelle-Zélande, le chocolat doit contenir 20% de dérivés de fèves de cacao (200g/1kg) et 5% de matière grasse comestible autre que le beurre de cacao et les matières grasses issues du lait. Quant aux États-Unis, leur règlementation fédérale stipule une teneur minimale de 35% de liqueur de chocolat pour les « semi-sweet chocolate » et le « bittersweet chocolate ».
Le chocolat cru : un vide juridique à combler
Mais alors qu’en est-il du chocolat cru en lui-même ? La donne en matière de règlementation sur le raw chocolate reste dispersée ou floue dans le monde, voire inexistante dans certains pays comme la France où le « chocolat cru » ne bénéficie d’aucune mention légale. Ce terme n’apparaît pas non plus dans le Codex Alimentarius de l’OMS et de la FAO. Du reste, si le « raw food » en général fait l’objet d’une certification dans certains pays, ce n’est pas le cas en France. Alors, cacao cru ou chocolat cru ? Dans la mesure aucune de ces dénominations ne font l’objet d’aucune indexation et encore moins de réglementation, cela fait, comme le souligne Nico Regout, « un vide juridique de plus dans le monde du chocolat ».