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Le beans-to-bar vu par Nico Regout





Sébastien – Par rapport à toute cette évolution, on va parler un petit peu de beans-to-bar parce que là, tu rigoles mais c’est vrai que depuis deux trois ans…

Nico Regout – On en parle énormément.

Sébastien – C’est waouh, enfin c’est l’euphorie un peu partout dans le monde. Bon, vraiment aux États-Unis enfin dans différents pays. La France commence aussi à prendre un petit peu du poil de la bête comme je dirais. Qu’est-ce que toi tu penses de ce mouvement-là ?

Nico Regout – Il peut y avoir du très bon comme il peut y avoir du moins bon aussi. Ce qu’on constate c’est que ça a démarré dans les pays anglo-saxons, donc les États-Unis, l’Angleterre. En fait ce sont des pays qui n’avaient pas de grandes connaissances dans le chocolat et ce sont des fous furieux qui ont décidé de s’y mettre, pas toujours des chocolatiers. De temps en temps on avait, au niveau de la finesse, je dirais, de la réalisation – ce n’était pas toujours parfait mais l’idée a germé. L’indépendance vis-à-vis des grands couverturiers. Le fait de pouvoir choisir ses variétés. Ça j’y crois beaucoup. Ça veut dire de la fève jusqu’à la tablette. La maison Marcolini en Belgique a commencé comme ça et à l’époque on a dit : « C’est de la folie. » Il ne faut pas oublier qu’il y a cent ans la bonne réputation du Belgium chocolat, tous les chocolatiers travaillaient à partir de la fève. En France aussi. Dès que l’industrie a fait meilleur c’est-à-dire descendait plus dans le nombre de microns que le chocolat, le cacao, la couverture était plus onctueuse. Tous ont arrêté de travailler. Surtout en Belgique puisqu’il y a moins de compagnonnage et on a acheté sa couverture au grands couverturiers. En France aussi il y a eu Valgrenard qui est quand même une élite puisqu’eux ont vraiment cultivé d’une manière intelligente. L’image du cacao a monté grâce à cette société de couverturier mais qui, pour moi, n’est pas ce qu’on peut appeler un industriel du cacao parce que derrière il y a une éthique que moi j’aime beaucoup et qui a en fait donné ses lettres de noblesse au chocolat français.

Parce qu’en fait il y a d’excellents chocolatiers en France. Donc eux, achetaient leur couverture à souvent des couverturiers qui eux faisaient du beans-to-bar, c’est-à-dire avaient continué à faire ce que les parents faisaient. Il y en a d’autres qui le font que pour eux-mêmes. Vous avez des maisons comme la maison Bonnat, Bernachon qui sont des maisons qui, de génération en génération ont continué à travailler à partir de la fève comme faisaient les parents. Ça c’était plus ancré dans les racines, mais il y en a peu. Alors depuis ce nouveau mouvement – les industriels disaient impossible. Chacun trouve une bonne raison pour dire que ce n’est pas possible ; moi je peux vous assurer que c’est possible. Mais ce n’est pas facile. Il faut quand même de bonnes machines. Il ne faut pas se lancer n’importe comment et surtout avoir un dialogue vrai. C’est-à-dire ne pas dire, je fais 100% de ma production quand ce n’est pas vrai et en faire du marketing et derrière acheter n’importe quoi. Et c’est là où est le piège. Moi j’ai quand même une certaine éthique et je n’aime pas fournir du cacao. J’essaye toujours de savoir à qui j’en vend donc il faut que je retrouve là la folie de vouloir aller jusqu’à minimiser, faire un grand cru de propriété. C’est tout à fait possible. Il faut le courage de le faire.

Sébastien – Oui, parce que c’est souvent des petites quantités j’imagine

Nico Regout – C’est ça, donc c’est tout le problème. Ça on en parlera peut-être tout à l’heure. Le gros problème est de pouvoir ramener – parce que personne ne va vous aider. Les brokers achètent en grosses quantités, donc le fret ce qui coûte cher c’est toute la logistique pour ramener des grands cacaos. Une petite quantité devra être traitée, revenir du bout du monde. Si vous la prenez par avion cela va jusqu’à deux trois quatre euros en plus par kilo.

Sébastien – Oui, ce qui peut gonfler énormément le cacao

Nico Regout – Énormément, trop. Donc il faut essayer de, ou mettre dans des containers une petite partie ou trouver des mixages, trouver un même endroit ou dans un même port vous avez plusieurs belles variétés qui vont pouvoir se transporter – dans mon cas c’est trouver un transport vers le port d’Anvers. Puisque je suis belge, du port d’Anvers je stocke pour mes clients et je re-dispatche en petite quantité. Mais j’achète en petites quantités aussi.

Sébastien – Oui, bien sûr. Mais après c’est normal avec les variétés etc.

Nico Regout – Voilà. Vous avez de temps en temps des petites plantations où ils n’auront qu’une tonne et d’autres qui en auront beaucoup plus mais qui seront d’excellentes plantations aussi. La grandeur, un même planteur sur un même terroir peut avoir différentes variétés génétiques comme il peut avoir différents terroirs aussi. En fait vous avez des centaines de variations, beaucoup plus que ce que l’on croit. On donne les trois et quatre grandes catégories mais bientôt on ne parlera plus de ça, on expliquera qu’il y en a en fait dix et là-dedans vous avez des sous-catégories, mais quand vous parlez de ça le grand public est perdu. Il ne devrait pas l’être parce qu’en fait c’est tout simple. Quand vous voyez une étiquette d’un chocolat industriel et qu’on ne vous dit même pas qu’il vient de Côte d’Ivoire, là vous n’avez même pas le... Est-ce que vous connaissez, vous, un produit ou une denrée alimentaire dont on ne dit pas d’où elle vient. Et bien je vous dirai que ça existe dans des barres de chocolat. C’est comme ça. Ça va changer parce qu’on va faire le cacao traçable et durable et tout ça. Il faut faire très attention aussi parce qu’on peut avoir une bonne traçabilité et vous mettre un épi hyper productif qui n’aura aucun intérêt dégustatif. Donc il faut les deux. Savoir ce qu’on a planté et où on l’a planté. Comment on l’a planté et tout ce qui se passe ensuite.

Sébastien – Tout à fait !


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