Sébastien – J’ai eu des remarques de chocolatiers qui ont vraiment envie de se lancer dans cette aventure, mais après en termes de budget cela freine un peu tout de suite pour avoir une qualité beaucoup plus fine. Qu’est-ce que tu peux dire par rapport à ça ?
Pierre Marcolini – Je pense que le débat est effectivement là. Je pense que la problématique est triple pour moi.
Un : est-ce qu’un petit artisan a intérêt à le faire ? Aujourd’hui, sincèrement, quand on voit cet engouement – que ce soit aux Etats-Unis, en Angleterre, que ce soit même en Asie, j’ai été en Corée, j’ai vu ce qu’on appelle des gens qui font du beans-to-bar – ce mouvement-là – ça commence à prendre son essor. Et je me dis ce qui est fou c’est qu’en Europe, notre vieille Europe, cette culture européenne du produit où on a ça, on est à la traîne. Donc ce que j’ai envie de laisser comme message c’est dire, aujourd’hui, sincèrement (je peux faire les calculs), on peut avoir une installation entre 20 et 30.000 euros, sans aucun problème. En deux ans de temps, on peut avoir un payback, on peut faire un chocolat qui est un chocolat identitaire. Le grand souci que les artisans ont – j’ai eu la fédération des chocolatiers français qui était venue ici et qui m’ont dit : « on veut le faire » – je confirme ce que tu dis Sébastien, il y a une vraie envie de le faire. Parce qu’un artisan a besoin d’avoir ce rapport avec le produit et le comprendre. Donc un, on peut le faire. On peut trouver ça.
La deuxième chose après, c’est l’apprentissage de cela, mais honnêtement, en s’y mettant un petit peu et moi je n’ai pas lâché l’un pour l’autre directement. Qu’est-ce que j’ai fait ? J’ai dit, je vais d’abord maîtriser le processus. On a fait 10%, puis 20%, puis 30% et c’est pour ça qu’on a mis autant d’années. Évidemment, premier petit souci, c’est ton client qui vient te voir, qui fait : « C’est marrant votre tablette chocolat au lait, ou chocolat noir, elle a changé. » Et toi tu es obligé de dire : « Mais c’est la mienne aujourd’hui. »
Sébastien – Ça c’est beau !
Pierre Marcolini – On a vraiment eu des gens qui sont venus nous voir en disant : « Votre chocolat au lait avant était meilleur. » Donc c’est difficile, parce que tu imprimes un goût. Donc, basculer avec un ancien système qui est de dire avant c’était du Valrhona, du Callebaut, etc., ou du Barry et puis aujourd’hui c’est mon chocolat. Expliquer ça à sa clientèle. Nous, on a eu un creux. Il faut être honnête. On est là pour tout se dire. Sébastien, quand on fait deux mille kilomètres, on joue en toute transparence. Donc ça a été des moments d’angoisse.
Il faut mettre tout sur la table. Il faut expliquer ça au client. Mais quand on a expliqué ça au client, quand on a expliqué cette démarche-là en disant : « Voilà, maintenant je suis reparti à partir de la fève. » Le client est prêt à entendre ça et il est prêt à comprendre aussi un prix. En plus, en France, il y a un savoir-faire et je pense vraiment qu’il y a de vrais grands artisans qui sont capables de se dire : « Allez on prend ce courage-là. » Après c’est une question de courage. Il y a une phrase que j’aime beaucoup, qui est : « Entre le rêve et la réalité, la seule porte qui les sépare c’est le courage. » Il faut avoir ça. C’est dire on peut avoir aujourd’hui entre 20 et 30.000 euros, on peut trouver du matériel.
On a besoin de quoi ? On a besoin, un, d’un torréfacteur. Le torréfacteur peut être remplacé par un four. Deux, on a besoin d’un appareil. Ici je parle d’une quantité entre cinq et dix tonnes, ce qui est quand même la moyenne des chocolatiers par an. Deux, on a besoin d’un séparateur de particules, donc c’est-à-dire qu’on broie les fèves. Il faut retirer la peau par rapport au grué de cacao. Puis quand on a le grué du cacao, il faut le mixer. Moi j‘ai ce qu’on appelle un moulin à cacao mais on peut le faire avec un mixeur. Je me souviens d’avoir fait une démonstration avec un simple thermomix mais aujourd’hui avec un mixeur – et tous les chocolatiers ont un mixeur – on le broie, on peut le mélanger avec le sucre etc. Donc on peut le faire là-dedans.
Et puis, c’est ce que je disais, l’opération va consister à quoi ? À affiner cela. Pourquoi ? Le principe est très simple. Une fève de cacao c’est une épice. Regarde toute la cuisine mexicaine, le mollet, etc. Quand tu pars du principe, que plus tu vas écraser une épice – tu prends un mortier, tu prends du poivre de la cannelle – plus tu vas l’écraser, plus tu auras les arômes. C’est ça le principe. Le principe aromatique c’est quoi ? C’est qu’une fève de cacao, plus tu vas l’écraser, plus elle sera aromatique. C’est pour ça qu’on descend à une finesse qui est de moins de 25 microns parce qu’effectivement on a quelque chose qui est très lisse. Plus on va écraser cette épice, plus elle va être aromatique. Rajouter à cela, le fait qu’une fève de cacao contient entre 30 et 35% de beurre de cacao, on a compris le principe. C’est-à-dire qu’à ce moment-là, la matière grasse va capturer les arômes et on va avoir un dégagement aromatique dès qu’on va mettre ça en bouche.
La deuxième chose, c’est l’accès aux fèves. Aujourd’hui il y a de plus en plus de gens qui deviennent courtiers de fève de cacao et qui commencent à certifier les fèves de cacao. Parce que le problème de l’artisan, c’est qu’il n’a pas le temps, pas les moyens de partir au Venezuela en disant : « On m’a vendu du Chuao. » Et ça aujourd’hui, c’est pour ça que c’est un marché qui est neuf. Il y a 10 à 15 ans, les planteurs de cacao n’avaient que, comme alternative, de vendre leurs fèves de cacao à des grands groupes ou à des coopératives. Alors qu’aujourd’hui, qu’est-ce qu’il se passe ? En ne sachant pas Sébastien, ce qui est quand même fou, on est dans une culture d’un produit agricole où, ces gens qui sont à 10.000 kilomètres ne savent pas ce que le consommateur européen veut.
Sébastien – Je l’ai remarqué aussi, quand on va dans les plantations, c’est sûr.
Pierre Marcolini – Mais bien sûr ! Tu discutes avec eux. Ils ne savent pas quel type de chocolat tu veux ni quoi que ce soit. Ils ne savent pas que l’on parle de chocolat d’origine etc. puisque les grands groupes ne leur parlent pas de ça. C’est pour ça que je dis que ce dialogue – pour revenir à ça, une image qui me vient tout de suite à l’esprit – ce dialogue entre le planteur et l’artisan existe et peut exister. Pourquoi je dis ça ? Quand tu vas dans les plantations aujourd’hui il y a une communication internet, ils ont un GSM et donc ils ont un mobile, et aujourd’hui, ce dialogue-là, par internet, on peut l’avoir aussi. Donc il y a les courtiers au niveau des fèves de cacao.
Moi je me dis toujours que si quelqu’un a cette idée – je lance l’idée – de faire un comptoir de fèves de cacao et bien ça solutionnerait énormément le problème pour les artisans, en se disant que je peux acheter 100 kilos. Comme les amandes, les noisettes. Pourquoi est-ce qu’on fait pour les amandes et les noisettes, la pistache ? On le fait ! On pourrait faire exactement la même chose pour les fèves de cacao. À ce moment-là, je suis sûr que tu verrais un ensemble d’artisans qui se dit : « Je me lance. » Quand on sait quelle est la force de l’artisanat en France, quand on sait la qualité de l’artisanat, je pense que si on a ces trois composantes : un vendeur de matériel, une formation, et un endroit où l’on peut trouver le sourcing, l’affaire est faite. Et là on va avoir une révolution dans le monde du chocolat qui peut être intéressante.
Pierre Marcolini – Je pense que le débat est effectivement là. Je pense que la problématique est triple pour moi.
Un : est-ce qu’un petit artisan a intérêt à le faire ? Aujourd’hui, sincèrement, quand on voit cet engouement – que ce soit aux Etats-Unis, en Angleterre, que ce soit même en Asie, j’ai été en Corée, j’ai vu ce qu’on appelle des gens qui font du beans-to-bar – ce mouvement-là – ça commence à prendre son essor. Et je me dis ce qui est fou c’est qu’en Europe, notre vieille Europe, cette culture européenne du produit où on a ça, on est à la traîne. Donc ce que j’ai envie de laisser comme message c’est dire, aujourd’hui, sincèrement (je peux faire les calculs), on peut avoir une installation entre 20 et 30.000 euros, sans aucun problème. En deux ans de temps, on peut avoir un payback, on peut faire un chocolat qui est un chocolat identitaire. Le grand souci que les artisans ont – j’ai eu la fédération des chocolatiers français qui était venue ici et qui m’ont dit : « on veut le faire » – je confirme ce que tu dis Sébastien, il y a une vraie envie de le faire. Parce qu’un artisan a besoin d’avoir ce rapport avec le produit et le comprendre. Donc un, on peut le faire. On peut trouver ça.
La deuxième chose après, c’est l’apprentissage de cela, mais honnêtement, en s’y mettant un petit peu et moi je n’ai pas lâché l’un pour l’autre directement. Qu’est-ce que j’ai fait ? J’ai dit, je vais d’abord maîtriser le processus. On a fait 10%, puis 20%, puis 30% et c’est pour ça qu’on a mis autant d’années. Évidemment, premier petit souci, c’est ton client qui vient te voir, qui fait : « C’est marrant votre tablette chocolat au lait, ou chocolat noir, elle a changé. » Et toi tu es obligé de dire : « Mais c’est la mienne aujourd’hui. »
Sébastien – Ça c’est beau !
Pierre Marcolini – On a vraiment eu des gens qui sont venus nous voir en disant : « Votre chocolat au lait avant était meilleur. » Donc c’est difficile, parce que tu imprimes un goût. Donc, basculer avec un ancien système qui est de dire avant c’était du Valrhona, du Callebaut, etc., ou du Barry et puis aujourd’hui c’est mon chocolat. Expliquer ça à sa clientèle. Nous, on a eu un creux. Il faut être honnête. On est là pour tout se dire. Sébastien, quand on fait deux mille kilomètres, on joue en toute transparence. Donc ça a été des moments d’angoisse.
Il faut mettre tout sur la table. Il faut expliquer ça au client. Mais quand on a expliqué ça au client, quand on a expliqué cette démarche-là en disant : « Voilà, maintenant je suis reparti à partir de la fève. » Le client est prêt à entendre ça et il est prêt à comprendre aussi un prix. En plus, en France, il y a un savoir-faire et je pense vraiment qu’il y a de vrais grands artisans qui sont capables de se dire : « Allez on prend ce courage-là. » Après c’est une question de courage. Il y a une phrase que j’aime beaucoup, qui est : « Entre le rêve et la réalité, la seule porte qui les sépare c’est le courage. » Il faut avoir ça. C’est dire on peut avoir aujourd’hui entre 20 et 30.000 euros, on peut trouver du matériel.
On a besoin de quoi ? On a besoin, un, d’un torréfacteur. Le torréfacteur peut être remplacé par un four. Deux, on a besoin d’un appareil. Ici je parle d’une quantité entre cinq et dix tonnes, ce qui est quand même la moyenne des chocolatiers par an. Deux, on a besoin d’un séparateur de particules, donc c’est-à-dire qu’on broie les fèves. Il faut retirer la peau par rapport au grué de cacao. Puis quand on a le grué du cacao, il faut le mixer. Moi j‘ai ce qu’on appelle un moulin à cacao mais on peut le faire avec un mixeur. Je me souviens d’avoir fait une démonstration avec un simple thermomix mais aujourd’hui avec un mixeur – et tous les chocolatiers ont un mixeur – on le broie, on peut le mélanger avec le sucre etc. Donc on peut le faire là-dedans.
Et puis, c’est ce que je disais, l’opération va consister à quoi ? À affiner cela. Pourquoi ? Le principe est très simple. Une fève de cacao c’est une épice. Regarde toute la cuisine mexicaine, le mollet, etc. Quand tu pars du principe, que plus tu vas écraser une épice – tu prends un mortier, tu prends du poivre de la cannelle – plus tu vas l’écraser, plus tu auras les arômes. C’est ça le principe. Le principe aromatique c’est quoi ? C’est qu’une fève de cacao, plus tu vas l’écraser, plus elle sera aromatique. C’est pour ça qu’on descend à une finesse qui est de moins de 25 microns parce qu’effectivement on a quelque chose qui est très lisse. Plus on va écraser cette épice, plus elle va être aromatique. Rajouter à cela, le fait qu’une fève de cacao contient entre 30 et 35% de beurre de cacao, on a compris le principe. C’est-à-dire qu’à ce moment-là, la matière grasse va capturer les arômes et on va avoir un dégagement aromatique dès qu’on va mettre ça en bouche.
La deuxième chose, c’est l’accès aux fèves. Aujourd’hui il y a de plus en plus de gens qui deviennent courtiers de fève de cacao et qui commencent à certifier les fèves de cacao. Parce que le problème de l’artisan, c’est qu’il n’a pas le temps, pas les moyens de partir au Venezuela en disant : « On m’a vendu du Chuao. » Et ça aujourd’hui, c’est pour ça que c’est un marché qui est neuf. Il y a 10 à 15 ans, les planteurs de cacao n’avaient que, comme alternative, de vendre leurs fèves de cacao à des grands groupes ou à des coopératives. Alors qu’aujourd’hui, qu’est-ce qu’il se passe ? En ne sachant pas Sébastien, ce qui est quand même fou, on est dans une culture d’un produit agricole où, ces gens qui sont à 10.000 kilomètres ne savent pas ce que le consommateur européen veut.
Sébastien – Je l’ai remarqué aussi, quand on va dans les plantations, c’est sûr.
Pierre Marcolini – Mais bien sûr ! Tu discutes avec eux. Ils ne savent pas quel type de chocolat tu veux ni quoi que ce soit. Ils ne savent pas que l’on parle de chocolat d’origine etc. puisque les grands groupes ne leur parlent pas de ça. C’est pour ça que je dis que ce dialogue – pour revenir à ça, une image qui me vient tout de suite à l’esprit – ce dialogue entre le planteur et l’artisan existe et peut exister. Pourquoi je dis ça ? Quand tu vas dans les plantations aujourd’hui il y a une communication internet, ils ont un GSM et donc ils ont un mobile, et aujourd’hui, ce dialogue-là, par internet, on peut l’avoir aussi. Donc il y a les courtiers au niveau des fèves de cacao.
Moi je me dis toujours que si quelqu’un a cette idée – je lance l’idée – de faire un comptoir de fèves de cacao et bien ça solutionnerait énormément le problème pour les artisans, en se disant que je peux acheter 100 kilos. Comme les amandes, les noisettes. Pourquoi est-ce qu’on fait pour les amandes et les noisettes, la pistache ? On le fait ! On pourrait faire exactement la même chose pour les fèves de cacao. À ce moment-là, je suis sûr que tu verrais un ensemble d’artisans qui se dit : « Je me lance. » Quand on sait quelle est la force de l’artisanat en France, quand on sait la qualité de l’artisanat, je pense que si on a ces trois composantes : un vendeur de matériel, une formation, et un endroit où l’on peut trouver le sourcing, l’affaire est faite. Et là on va avoir une révolution dans le monde du chocolat qui peut être intéressante.