Sébastien – Qu’est-ce tu penses justement de cette évolution du bean-to-bar : pour toi, je ne dirais pas que c’est bon ou mauvais, mais ce mouvement, qu’est-ce que tu en penses ?
Pierre Marcolini – Moi je trouve qu’il est intéressant. Il est intéressant parce que pour moi il fait partie de plusieurs choses. Un, c’est ce que je disais, c’est de préserver. Le bean-to-bar c’est se réapproprier un métier qu’on a perdu. La deuxième chose c’est de préserver les anciens cacaoyers, parce que je pense que quand on essaie de défendre, et qu’on paie au juste prix, on défend ces anciens cacaoyers. On ne part pas sur ces CCN50 ou les CCN51, qui sont ces cacaoyers hybridés qui poussent, au lieu de 4 à 5 ans, pour nos amis qui ne connaissent pas, un cacaoyer c’est entre 4 et 5 ans, là c’est 18 mois, et ça te fait de grosses cabosses. Il y a un principe de vie, un principe naturel, c’est que quand on compresse le temps, la nature nous le rend toujours très bien, c’est-à-dire ce n’est pas très bon, ça c’est clair. Donc il faut laisser le temps. Et ce n’est pas très bon pour le sol non plus. Je ne pense pas que pousser aussi vite, ça n’ait pas un impact sur le sol.
Mais encore une fois, je pense que ce mouvement bean-to-bar c’est préserver les anciens cacaoyers, se préserver une tradition, c’est d’avoir un dialogue, c’est d’avoir un chocolat signature, donc je suis plutôt favorable, je suis même pour. Je pense qu’on a été précurseur en la matière, on nous a pris pour des dingues, et aujourd’hui, il y a une vraie fierté de cela. Tu passeras dans l’atelier, tu verras, il y a une vraie fierté d’avoir ce chocolat qui est identitaire. Et ça fait toute la différence, c’est pour ça que je dis, ce n’est pas un chocolat belge, ce n’est pas un chocolat, c’est un chocolat qui s’appelle La Maison Pierre Marcolini. Et je défends ça. Et les gens qui sont là…
Et en plus de ça, je pense que, aujourd’hui, par rapport à nos enfants, on rentre dans un mouvement sociétal. Ca fait des grands mots mais sincèrement ! C’est pour ça que derrière nos tablettes, il n’y a pas marqué « pur beurre de cacao » parce que, on se dit, quand on vend un chocolat entre 5 et 10 euros, alors c’est peut-être très naïf, avec le nom d’une maison, j’ai presque envie de dire, il ne manquerait plus que ça que ce ne soit pas 100% pur beurre de cacao. Il ne manquerait plus que ça que ce ne soit pas bio. Il ne manquerait plus que ça que ce ne soit pas équitable. Pour moi, je pense qu’à un moment donné, quand il y a le nom d’une maison, ces 3 – 4 composantes, elles doivent être dans l’obligation, elles doivent être dans l’obligation de donner cela aux clients, aux consommateurs. Pour nous, c’est d’office cela. C’est d’office, ce genre de choses doit faire partie d’une espèce de charte de valeurs dans lesquelles on doit s’inscrire. Et je pense que le mouvement bean-to-bar, il s’inscrit dans ces valeurs.
Sébastien – Justement, par rapport à tout ça, pour le bean-to-bar, on va chercher des bonnes fèves, etc. dans le monde entier. Il y a un grand mouvement aujourd’hui des industriels qui disent « on ne va plus avoir de chocolat », c’est la rupture. Ça n’arrête pas, les articles, les informations, qu’est-ce que toi tu penses de ça ?
Pierre Marcolini – Ca c’est de l’intox, ça c’est… une pièce en trois actes. Premier acte, on fait peur. On est tous d’accord, on fait « ah ! en 2020, il n’y aura plus de chocolat ! Attention qu’est-ce qu’il se passe ?! ». Et là, tout le monde panique, il y avait des campagnes de certains grands groupes industriels qui vendaient quasiment sous le manteau des tablettes, des tablettes de chocolat, on sait de quoi on parle, avec un emblème de gros éléphant. Donc on fait peur à la population. Deuxième chose, et c’est là où on rentre dans le cynisme des choses, on a trouvé la solution. Parce qu’on nous a dit pourquoi on aura plus de chocolat, parce qu’il n’y a pas assez, parce que les chinois vont commencer à manger du cacao, parce qu’on n’a pas assez de production, parce que, effectivement, on a de moins en moins de production, parce que les planteurs arrêtent de produire, etc. Et on nous a même parlé des conditions climatiques. On nous a dit « ah le climat » etc. Et je me suis dit, le climat est vachement sélectif, parce que le café non, le thé non, mais le cacao oui ! On a quand même des climats qui sont assez sélectifs. Il n’y a rien de vrai évidemment dans tout ça. Donc le cynisme des industriels c’est de dire, pas de problème, on a trouvé une solution, le planteur, pour que tu produises toi deux fois plus, on ne te paiera pas deux fois plus, mais on va te trouver une solution pour que tu produises deux fois plus, on va introduire ces fameux cacaoyers qui ont été modifiés, les CCN50, les CCN51 en disant sur un hectare au lieu de faire de 500 à 750 kilos à l’hectare, tu vas pouvoir faire 1,5 tonne. Donc ça solutionne le problème, 2020, 2030 et le marché.
Moi je pense que le problème, il n’est pas là. Le problème c’est, on a parlé de prix, 2500 à 3000 dollars la tonne de cacao. En sachant que c’est un métier qui est difficile. Il faut s’imaginer qu’à l’hectare, il y a des produits agricoles où tu produits beaucoup plus, l’huile de palme par exemple tu as 1,5 tonne. Et ici, une bonne plantation de cacao, ça fait 500 à 750, maintenant si tu commences à mieux travailler, tu peux monter un peu plus. Mais pas beaucoup plus. Donc qu’est-ce qui se passe ? On est 2500 dollars – 3000 dollars la tonne, pour revenir à ça, la vraie problématique, et il faut savoir qu’avec tous les intermédiaires, le planteur il en reçoit 1500 ! Donc c’est pour ça que ça me fait toujours rire quand j’entends parler du chocolat soi-disant bio ou pas bio. Les gens n’ont même pas les moyens de nourrir convenablement leurs enfants, quand tu vas voir les plantations elles ne sont pas entretenues, les bacs de fermentation ils n’ont pas le moyens de les renouveler, etc. Donc ils vivent dans des conditions de précarité inimaginable. Donc ça veut dire quoi ? Les enfants, quand tu vois ton père dans des conditions comme ça, qu’est-ce que tu fais ? Papa, tu m’oublies sur le coup, je pars en ville, je vais trouver un autre job mais je ne vais pas m’occuper de la plantation de cacao puisque tu crèves de misère par rapport à cette culture-là, et donc qu’est-ce qu’il se passe ?
En sachant que l’OMC, on a fait des études, on a regardé, pour pouvoir vivre d’une culture de cacao, c’est-à-dire vivre, nourrir, entretenir, évidemment investir, il faudrait payer entre 3000 – 3500 dollars. Donc le problème, il n’est pas climatique, le problème c’est, si aujourd’hui, l’ensemble des industriels au lieu de faire 10 % de bénéfices à la fin de chaque année se disent on rémunère un peu mieux, on va trouver du cacao ! Les gens vont investir dans le cacao. C’est ça le problème, c’est une question de prix, c’est une simple question de prix. C’est comme si on imaginait aujourd’hui en France la vigne qu’on ne rémunère pas convenablement, et bien tout le monde abandonne évidemment. Donc on abandonne aujourd’hui le cacao, au profit d’autres cultures plus rentables, en se disant « tant qu’on n’a pas une rémunération qui est solide ». La seule solution que les industriels ont trouvé c’est de dire, on ne va pas payer plus cher, mais on va vous faire produire deux fois plus. Et ce n’est pas la solution. La solution, c’est un juste prix. C’est pour cela que je pense, je pars du principe toujours que les petites rivières font les grands fleuves, je pense le mouvement bean-to-bar peut être une réponse à ça.
Pierre Marcolini – Moi je trouve qu’il est intéressant. Il est intéressant parce que pour moi il fait partie de plusieurs choses. Un, c’est ce que je disais, c’est de préserver. Le bean-to-bar c’est se réapproprier un métier qu’on a perdu. La deuxième chose c’est de préserver les anciens cacaoyers, parce que je pense que quand on essaie de défendre, et qu’on paie au juste prix, on défend ces anciens cacaoyers. On ne part pas sur ces CCN50 ou les CCN51, qui sont ces cacaoyers hybridés qui poussent, au lieu de 4 à 5 ans, pour nos amis qui ne connaissent pas, un cacaoyer c’est entre 4 et 5 ans, là c’est 18 mois, et ça te fait de grosses cabosses. Il y a un principe de vie, un principe naturel, c’est que quand on compresse le temps, la nature nous le rend toujours très bien, c’est-à-dire ce n’est pas très bon, ça c’est clair. Donc il faut laisser le temps. Et ce n’est pas très bon pour le sol non plus. Je ne pense pas que pousser aussi vite, ça n’ait pas un impact sur le sol.
Mais encore une fois, je pense que ce mouvement bean-to-bar c’est préserver les anciens cacaoyers, se préserver une tradition, c’est d’avoir un dialogue, c’est d’avoir un chocolat signature, donc je suis plutôt favorable, je suis même pour. Je pense qu’on a été précurseur en la matière, on nous a pris pour des dingues, et aujourd’hui, il y a une vraie fierté de cela. Tu passeras dans l’atelier, tu verras, il y a une vraie fierté d’avoir ce chocolat qui est identitaire. Et ça fait toute la différence, c’est pour ça que je dis, ce n’est pas un chocolat belge, ce n’est pas un chocolat, c’est un chocolat qui s’appelle La Maison Pierre Marcolini. Et je défends ça. Et les gens qui sont là…
Et en plus de ça, je pense que, aujourd’hui, par rapport à nos enfants, on rentre dans un mouvement sociétal. Ca fait des grands mots mais sincèrement ! C’est pour ça que derrière nos tablettes, il n’y a pas marqué « pur beurre de cacao » parce que, on se dit, quand on vend un chocolat entre 5 et 10 euros, alors c’est peut-être très naïf, avec le nom d’une maison, j’ai presque envie de dire, il ne manquerait plus que ça que ce ne soit pas 100% pur beurre de cacao. Il ne manquerait plus que ça que ce ne soit pas bio. Il ne manquerait plus que ça que ce ne soit pas équitable. Pour moi, je pense qu’à un moment donné, quand il y a le nom d’une maison, ces 3 – 4 composantes, elles doivent être dans l’obligation, elles doivent être dans l’obligation de donner cela aux clients, aux consommateurs. Pour nous, c’est d’office cela. C’est d’office, ce genre de choses doit faire partie d’une espèce de charte de valeurs dans lesquelles on doit s’inscrire. Et je pense que le mouvement bean-to-bar, il s’inscrit dans ces valeurs.
Sébastien – Justement, par rapport à tout ça, pour le bean-to-bar, on va chercher des bonnes fèves, etc. dans le monde entier. Il y a un grand mouvement aujourd’hui des industriels qui disent « on ne va plus avoir de chocolat », c’est la rupture. Ça n’arrête pas, les articles, les informations, qu’est-ce que toi tu penses de ça ?
Pierre Marcolini – Ca c’est de l’intox, ça c’est… une pièce en trois actes. Premier acte, on fait peur. On est tous d’accord, on fait « ah ! en 2020, il n’y aura plus de chocolat ! Attention qu’est-ce qu’il se passe ?! ». Et là, tout le monde panique, il y avait des campagnes de certains grands groupes industriels qui vendaient quasiment sous le manteau des tablettes, des tablettes de chocolat, on sait de quoi on parle, avec un emblème de gros éléphant. Donc on fait peur à la population. Deuxième chose, et c’est là où on rentre dans le cynisme des choses, on a trouvé la solution. Parce qu’on nous a dit pourquoi on aura plus de chocolat, parce qu’il n’y a pas assez, parce que les chinois vont commencer à manger du cacao, parce qu’on n’a pas assez de production, parce que, effectivement, on a de moins en moins de production, parce que les planteurs arrêtent de produire, etc. Et on nous a même parlé des conditions climatiques. On nous a dit « ah le climat » etc. Et je me suis dit, le climat est vachement sélectif, parce que le café non, le thé non, mais le cacao oui ! On a quand même des climats qui sont assez sélectifs. Il n’y a rien de vrai évidemment dans tout ça. Donc le cynisme des industriels c’est de dire, pas de problème, on a trouvé une solution, le planteur, pour que tu produises toi deux fois plus, on ne te paiera pas deux fois plus, mais on va te trouver une solution pour que tu produises deux fois plus, on va introduire ces fameux cacaoyers qui ont été modifiés, les CCN50, les CCN51 en disant sur un hectare au lieu de faire de 500 à 750 kilos à l’hectare, tu vas pouvoir faire 1,5 tonne. Donc ça solutionne le problème, 2020, 2030 et le marché.
Moi je pense que le problème, il n’est pas là. Le problème c’est, on a parlé de prix, 2500 à 3000 dollars la tonne de cacao. En sachant que c’est un métier qui est difficile. Il faut s’imaginer qu’à l’hectare, il y a des produits agricoles où tu produits beaucoup plus, l’huile de palme par exemple tu as 1,5 tonne. Et ici, une bonne plantation de cacao, ça fait 500 à 750, maintenant si tu commences à mieux travailler, tu peux monter un peu plus. Mais pas beaucoup plus. Donc qu’est-ce qui se passe ? On est 2500 dollars – 3000 dollars la tonne, pour revenir à ça, la vraie problématique, et il faut savoir qu’avec tous les intermédiaires, le planteur il en reçoit 1500 ! Donc c’est pour ça que ça me fait toujours rire quand j’entends parler du chocolat soi-disant bio ou pas bio. Les gens n’ont même pas les moyens de nourrir convenablement leurs enfants, quand tu vas voir les plantations elles ne sont pas entretenues, les bacs de fermentation ils n’ont pas le moyens de les renouveler, etc. Donc ils vivent dans des conditions de précarité inimaginable. Donc ça veut dire quoi ? Les enfants, quand tu vois ton père dans des conditions comme ça, qu’est-ce que tu fais ? Papa, tu m’oublies sur le coup, je pars en ville, je vais trouver un autre job mais je ne vais pas m’occuper de la plantation de cacao puisque tu crèves de misère par rapport à cette culture-là, et donc qu’est-ce qu’il se passe ?
En sachant que l’OMC, on a fait des études, on a regardé, pour pouvoir vivre d’une culture de cacao, c’est-à-dire vivre, nourrir, entretenir, évidemment investir, il faudrait payer entre 3000 – 3500 dollars. Donc le problème, il n’est pas climatique, le problème c’est, si aujourd’hui, l’ensemble des industriels au lieu de faire 10 % de bénéfices à la fin de chaque année se disent on rémunère un peu mieux, on va trouver du cacao ! Les gens vont investir dans le cacao. C’est ça le problème, c’est une question de prix, c’est une simple question de prix. C’est comme si on imaginait aujourd’hui en France la vigne qu’on ne rémunère pas convenablement, et bien tout le monde abandonne évidemment. Donc on abandonne aujourd’hui le cacao, au profit d’autres cultures plus rentables, en se disant « tant qu’on n’a pas une rémunération qui est solide ». La seule solution que les industriels ont trouvé c’est de dire, on ne va pas payer plus cher, mais on va vous faire produire deux fois plus. Et ce n’est pas la solution. La solution, c’est un juste prix. C’est pour cela que je pense, je pars du principe toujours que les petites rivières font les grands fleuves, je pense le mouvement bean-to-bar peut être une réponse à ça.